Commentaire de texte

Objet d’étude : la poésie du XIXe siècle au XXIe siècle
Richard Rognet, Élégies pour le temps de vivre, 2012


Il reste toujours quelque chose des amours 
mortes ou perdues, un regard sur les prés, 
sur une fleur qui penche vers le soir, 
sur les montagnes qui émergent après 

les brumes du matin, il reste toujours, 
sous nos paupières, des rêves inachevés, 
des souvenirs de neiges ou d’étoiles 
filantes comptées dans les nuits d’août, 

il reste aussi quelques fenêtres entrouvertes 
sur les averses d’été qui sentent si bon 
qu’on se sent proche d’un nouvel amour, 

d’un amour tranquille et brûlant à la fois, 
qui tremblerait à la lisière du temps 
comme un dernier sourire, avant de s’en aller. 


Sujet : Vous pourrez prêter particulièrement attention : (1) à l’évocation lyrique de la nature ; (2) au va-et-vient entre le souvenir d’hier et l’attente de demain.

Introduction
Le poème proposé est extrait du recueil Élégies pour le temps de vivre de Richard Rognet, publié en 2012. Ce recueil appartient à la poésie contemporaine, mais il garde un lien fort avec la tradition lyrique, notamment par l’évocation de la nature et des sentiments intimes. Dans ce poème, le poète évoque ce qu’il reste des amours passées, entre nostalgie et espérance. Il adopte un ton à la fois doux et mélancolique pour décrire ce qui subsiste après les moments d’amour. Nous verrons comment l’auteur fait un lien entre souvenir et espoir, et comment il utilise la nature pour exprimer des émotions humaines.
 
I. Une évocation sensible et poétique de la nature

 La nature tient une grande place dans ce poème. Elle est présente à travers des images simples et accessibles : « les prés », « une fleur », « les montagnes », « les brumes du matin », « les neiges », « les étoiles filantes », « les averses d’été ». Ces éléments naturels sont décrits avec tendresse et délicatesse. Ils sont souvent associés à des sensations agréables, comme les « averses d’été qui sentent si bon ».

 Ces images naturelles servent à exprimer les émotions du poète : la beauté d’un souvenir, le regret d’un amour perdu, mais aussi l’envie de croire à un nouvel amour. Le paysage devient le reflet des sentiments : la « fleur qui penche vers le soir » peut symboliser la fin d’un amour ou le passage du temps. Le poète adopte ici une démarche typique du lyrisme, en mêlant le regard sur la nature et l’expression de ses états d’âme.

 II. Le souvenir des amours passées et la mélancolie du temps

 Le poème insiste sur ce qui « reste » des amours disparues. Le mot « reste » est répété plusieurs fois, ce qui montre que le passé continue à marquer le présent. Le poète évoque des souvenirs précis : « un regard », « des rêves inachevés », « des souvenirs de neiges ou d’étoiles filantes ». Ce sont des images douces, mais elles expriment aussi une certaine tristesse, car elles rappellent ce qui est fini ou perdu.

 Le poète parle aussi d’« amours mortes ou perdues », ce qui renforce le ton mélancolique du texte. Il ne s’agit pas de grandes douleurs, mais d’une douce nostalgie, celle qui accompagne les souvenirs qui continuent à vivre en nous, même après la fin d’une relation.

 III. Une ouverture vers l’avenir, entre désir et fragilité

 Malgré la mélancolie, le poème ne se ferme pas sur le passé. Il ouvre une perspective vers l’avenir, avec la possibilité d’un « nouvel amour ». Ce nouvel amour est décrit de manière très belle et poétique : « tranquille et brûlant à la fois », « qui tremblerait à la lisière du temps ». Ces expressions montrent un désir de revivre quelque chose de fort, même si le poète sait que cela peut être fragile ou de courte durée.

 La fin du poème, avec l’image du « dernier sourire, avant de s’en aller », suggère que tout amour, même nouveau, est lié à l’idée de passage, de fin. Mais cela ne semble pas triste : c’est une acceptation apaisée du temps qui passe. Le poème trouve un équilibre entre la mémoire et l’espoir, entre la perte et l’envie de vivre encore quelque chose de beau.

 Conclusion
 Ce poème de Richard Rognet est une belle méditation sur le temps, l’amour et la mémoire. À travers des images de la nature simples * mais poétiques, l’auteur exprime à la fois la douceur des souvenirs et le désir d’un avenir encore possible. Le va-et-vient entre le passé et le futur donne au poème sa profondeur, tandis que le regard sur la nature traduit les émotions intimes de manière universelle et accessible.

Ouverture : sur la poésie Romantique : voir Automne de Lamartine, par exemple :

Salut! bois couronnés d’un reste de verdure! 
Feuillages jaunissants sur les gazons épars! 
Salut, derniers beaux jours! Le deuil de la nature 
Convient à la douleur et plaît à mes regards!

Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire, 
J’aime à revoir encor, pour la dernière fois, 
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière 
Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois!

Oui, dans ces jours d’automne où la nature expire, 
A ses regards voilés, je trouve plus d’attraits, 
C’est l’adieu d’un ami, c’est le dernier sourire 
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais!

Ainsi, prêt à quitter l’horizon de la vie, 
Pleurant de mes longs jours l’espoir évanoui, 
Je me retourne encore, et d’un regard d’envie 
Je contemple ses biens dont je n’ai pas joui!

Terre, soleil, vallons, belle et douce nature, 
Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ; 
L’air est si parfumé! la lumière est si pure! 
Aux regards d’un mourant le soleil est si beau!

Je voudrais maintenant vider jusqu’à la lie 
Ce calice mêlé de nectar et de fiel! 
Au fond de cette coupe où je buvais la vie, 
Peut-être restait-il une goutte de miel ?

Peut-être l’avenir me gardait-il encore 
Un retour de bonheur dont l’espoir est perdu ? 
Peut-être dans la foule, une âme que j’ignore 
Aurait compris mon âme, et m’aurait répondu ? ...

La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphyre ; 
A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ; 
Moi, je meurs ; et mon âme, au moment qu’elle expire, 
S’exhale comme un son triste et mélodieux. 


* Sur cette simplicité, le commentaire monte d'un cran s'il se penche sur le style : en effet, on note que ce sonnet qui refuse les majuscules initiales n'est qu'une longue phrase de 14 vers, lesquels sont des alexandrins approximatifs. La fluidité vient des enjambements, situés vers 1 + 2 : "des amours mortes ou perdues", 4 + 5 : "émergent après les brumes du matin", 5 + 7 : "il reste toujours... des souvenirs", 9 + 11 : " entrouvertes sur les averses d’été qui sentent si bon qu’on se sent". En outre l'insistance se marque par des anaphores.